Tribune libre : « Covid-19, les Réunionnais sont-ils responsables de tout ? » SANTÉ

Philippe Robert, conseiller municipal d’opposition à La Possession, et candidat à la législative partielle de la deuxième circonscription, a publié une tribune libre sur la pandémie en cours.

« La pandémie de Covid-19 continue de secouer le monde, la France, et La Réunion qui jusqu’ici épargnée s’enfonce doucement dans une crise majeure aux impacts psychosociaux encore difficile à évaluer.

Pourtant le 4 septembre dernier, Monsieur Le Préfet déclarait que « les clusters étaient en baisse par rapport à la semaine dernière ». La directrice de L’ARS y allait de son couplet « La Réunion demeure dans la catégorie des départements à vulnérabilité modérée à ce jour ».

Enfin, la nouvelle rectrice nous infligeait son principal discours censé rassurer les familles : « il n’y a pas eu de transmission du virus entre enfants dans les écoles ».

Trois jours plus tard, notre département était classé en zone rouge, avec une circulation active du virus. Juste un énième exemple de la navigation à vue des autorités sanitaires dans la gestion de la crise à La Réunion depuis le 17 mars dernier, en témoigne le ballet de mesures contradictoires qui changent d’une semaine sur l’autre depuis des mois.

La Réunion a été placée en confinement en mars, avril, mai en même temps que tous les départements métropolitains, les autorités de l’ile se contentant d’appliquer les mesures nationales en stoppant toute activité économique sur notre territoire insulaire.

Durant cette période les bilans hebdomadaires des autorités étaient plutôt rassurants puisque notre département n’a enregistré aucun décès et n’a jamais dépassé le seuil critique de cas qui auraient pu gravement engorger nos hôpitaux.

En juin, l’aéroport redevenait à nouveau opérationnel, laissant la porte grande ouverte pour l’entrée de personnes porteuses du virus sur notre île avec un contrôle des plus aléatoires, si l’on se réfère aux nombreux témoignages des voyageurs.

Pendant que les bars et restaurants, les clubs sportifs, les salles de spectacle restaient fermés et que toutes manifestations commerciales ou culturelles restaient totalement interdites, l’ARS nous relayait encore une fois la parole gouvernementale qui expliquait très sérieusement que le port du masque était totalement inutile et seulement réservé aux soignants et aux malades du Covid.

Un discours publiquement démenti depuis puisqu’aujourd’hui l’absence de masque peut nous valoir une amende de 135 euros.

Idem pour la demande d’un dépistage massif des voyageurs entrant à La Réunion via l’aéroport réclamé par une grande majorité de la population. « Le dépistage des voyageurs ne présentant pas de symptômes est inapproprié et inutile » : là encore un discours changeant puisqu’au mois de juillet dernier l’ARS et Monsieur le Préfet se glorifiaient de la mise en place d’un recours au dépistage massif pour les personnes entrantes sur le territoire.

Des mesures fortes qui pourtant ne dureront qu’à peine un mois, puisque pas à une contradiction près, la parole officielle revient maintenant à prôner un dépistage ciblé.

En revanche, pour relancer l’économie de l’ile gravement affectée, nos enfants sont retournés en classe avec d’importantes mesures restrictives. Distanciation dans les classes, dans les cantines et durant les temps de pause périscolaire.

A la rentrée d’aout, changement de protocole dans nos écoles, la distanciation physique obligatoire n’a plus lieu d’être les cours de récréation sont totalement libre d’accès. Selon les autorités la confiance serait de mise, puisque nos enfants ne risqueraient rien face au Covid, mieux encore ils ne seraient même plus contagieux.

À ce jour, alors que La Réunion connait une flambée particulièrement inquiétante du virus et que nous enregistrons les premiers décès, les bars et restaurants sont ouverts, des manifestations comme le salon du mariage, le Sakifo, les florilèges, le grand raid, qui regroupent des milliers de personnes sont jusqu’à présent maintenues.

L’aéroport accueille des voyageurs chaque jour munis d’un certificat de non-contamination dont la véracité ne peut pas être sérieusement vérifiée et qui disparaissent dans la nature sans obligation réelle de se faire dépister sept jours plus tard.

Mais selon les autorités, ce sont uniquement les mariages, les baptêmes, les fêtes au sein des familles qui seraient responsables de la circulation du virus. Les Réunionnais sont stigmatisés et culpabilisés en tant que vecteurs de la maladie qui circulent de plus en plus.

Ainsi la personne âgée qui oublie de porter son masque en allant chercher son pain devient un délinquant en puissance et la mère de famille, morte d’inquiétude, qui hésite à envoyer ses enfants à l’école pour protéger son entourage familial se voit conspuée et accusée de maltraitance.

Il n’est pas question de contester un manque de vigilance ou un respect peu scrupuleux par une petite minorité des gestes barrières indispensables pour enrayer la maladie. Il faut cependant s’interroger sérieusement sur les véritables responsabilités de la situation sanitaire que nous traversons aujourd’hui.

Qui, alors que La Réunion était encore exempte de toute circulation du virus, a favorisé l’entrée de personnes contaminées sur notre territoire ? La question mérite d’être posée. Les Réunionnais ont prouvé en grande majorité qu’ils savaient être disciplinés et respectueux des règles sanitaires et il serait injuste aujourd’hui de les accuser de tous les maux.

Il conviendra bien à un moment donné de demander l’ouverture d’une commission parlementaire sur la gestion spécifique de la crise COVID à La Réunion afin de répondre clairement et objectivement à ces questionnements.

Enfin, après l’échec total de l’éradication de la dingue qui perdure depuis plusieurs années maintenant, après les atermoiements et les ratés de gestion de la crise sanitaire actuelle, il deviendra nécessaire d’engager une profonde réforme de l’ARS de La Réunion qui malheureusement, n’a jamais vraiment brillé par la pertinence de son action au service de la population ».

Philippe Robert