Une maman frappe son fils dans un supermarché FAITS DIVERS

« Je rentre des courses avec une grosse boule dans la gorge. Une boule en éponge gorgée de larmes contenues. »

« Dans le rayon balais, la dame plaisantait avec moi sur la solidité d’un manche. Elle me semblait sympathique, cette dame.

Elle en était à tester son manche à balais quand un vigile est arrivé, accompagné de deux enfants. Il nous a interpellées toutes les deux : « Les parents de ces enfants ? ». La dame a semblé gênée.

Le vigile lui a tendu deux jouets ouverts. « Ils s’amusaient à les ouvrir. Il y en a deux autres à l’accueil que vous devrez payer aussi ». Elle n’a même pas attendu que le vigile tourne les talons pour tomber à bras raccourcis sur le plus jeune de ses fils.

Quel âge avait-il ? Quatre ans ? Cinq peut-être ? La violence de la voix de cette femme m’a déchirée. Comment pouvait-elle exprimer une telle haine à son enfant ?

Les cris, d’abord. Et cette promesse glaçante de la mère : à la maison, elle allait le « rincer ». « Tu sais ce que ça veut dire ? ».

J’ai senti une pointe de satisfaction dans sa voix, à l’énoncé de cette menace.

Les cris, d’abord. Puis les coups. L’enfant ratatiné dans le chariot, pleurant, criant, suppliant.

Je m’étais éloignée et je suis revenue sur mes pas. J’en crevais, d’intervenir. J’avais envie d’hurler. De lui dire qu’elle ne pouvait pas faire du mal ainsi à son fils.

Et je n’ai pas osé. Non, je n’ai pas osé. De quel droit pouvais-je intervenir dans la vie de cette famille ? Je me suis approchée et j’ai fixé la dame. Elle s’est calmée.

Plus tard, j’ai entendu son chagrin et sa peur, dissimulés derrière sa colère. «Trente euros ! Trente euros ! Tu les as, toi ?, disait-elle à son fils. Comment je vais faire pour payer ça ? Je vais devoir laisser mes courses. On va manger quoi ? ». Le ton est monté à nouveau. Puis je ne l’ai plus entendue.

De retour chez moi, je pense à cet enfant que j’aurais aimé consoler. Je cherche dans le ciel l’étoile qui le protègera ce soir du « rinçage » promis par sa mère.

Je pense à ma petite lâcheté et je me dis que la somme de ces petites lâchetés fabrique des grands drames. Je me dis aussi que ça n’est pas tolérable, des grands drames pour des euros.

Ça n’est pas acceptable, un monde qui troque l’amour contre des chariots de course. Et je me demande ce qu’on pourrait bien faire, chacun et ensemble, pour mettre l’amour aux commandes de ce monde malade ».

Isabelle Kichenin