Wilfrid Bertile : « Sortir de l’enlisement… «  POLITIQUE

« La Réunion qui doit surmonter de redoutables défis voit sa situation aggravée par la crise sanitaire. Plus que jamais son avenir manque de visibilité. Les élections régionales peuvent être l’occasion de sortir de l’impasse à condition d’avoir un projet réunionnais et une équipe cohérente pour le mettre en œuvre ».

« Les décennies passent sans que les problèmes de La Réunion se résolvent : chômage, illettrisme, pauvreté, violences faites aux femmes, mal-logement… la liste est longue des fléaux de toutes sortes qui peuplent les discours sans pour autant que la situation ne s’améliore sensiblement.

Personne ne se pose la question de savoir pourquoi il en est ainsi, pourquoi les politiques menées ne sont pas efficaces, et vers quoi nous allons… La population, elle, déserte les urnes, élection après élection, ajoutant à nos crises économique, sociale et sanitaire, une crise démocratique.

Les élections régionales se profilent à l’horizon. Des candidats pointent le bout de leur nez, des équipes se préparent, des forces se mettent en ordre de bataille. Il y aura sûrement un changement d’équipe, vraisemblablement de capitaine, à la tête de la collectivité, mais pour quoi faire ?

Changer les « hommes » ne suffit pas pour changer les choses. Comment faire en sorte que l’alternance soit aussi une alternative ?

Chacun va se présenter brandissant son « programme ». Quelle que soit l’élection, chacun dit sa volonté de créer des emplois, de construire des logements, de lutter contre l’échec scolaire, de mener une action de proximité … Comment ? on ne le dit pas ; avec quels résultats ?

Moins encore ; et si ce n’est pas de sa compétence, qu’importe ? Il faut bien rabattre l’électeur. Une fois élu, c’est la course aux places avec des alliances improbables, un contentement de soi, des embauches familiales ou clientélistes qui achèvent d’écœurer le citoyen…

Aux services de com’ d’anesthésier l’opinion jusqu’aux prochaines échéances électorales cependant que la situation continue à se dégrader à petit feu.

Il faudrait rompre avec cette évolution funeste, mais, reconnaissons-le, la tâche n’est pas facile. Il faudrait une vision de La Réunion que nous voulons, fixer un cap, disposer d’une boussole, c’est-à-dire d’une politique cohérente.

Cela passe par un projet réunionnais. Tout le monde proclame en avoir un, sauf qu’il ne s’agit pas d’un projet, tout au plus un catalogue de bonnes intentions, et qu’il n’a de Réunionnais que le nom, puisqu’il s’agit de recettes technico-administratives pensées pour ailleurs et plaquées sur la réalité locale.

Un projet réunionnais devrait partir des spécificités du territoire insulaire, de la demande sociale et de la culture de la population. Il doit dire vers quoi on veut aller, pour donner du sens aux actions mises en œuvre.

Ces mesures doivent être de deux sortes, répondre aux urgences, ce qu’on fait généralement, et qui revient à corriger des conséquences à la marge ; mais aussi et surtout s’attaquer aux causes des problèmes par des mesures de transformation structurelle devant conduire à moyen et à long termes à La Réunion que nous voulons : fière d’elle-même, développée, solidaire, durable. Et, surtout, responsable.

La méthode est aussi importante que le fond. Rien ne sert de s’entêter dans des approches thématiques rebattues qui tournent en rond et ne résolvent rien. Il faut aller vers une approche transversale, systémique : une société, une économie, une culture formant un tout dont les différentes composantes interagissent les unes avec les autres.

On peut choisir le déni. Il est plus facile de ne rien faire et de continuer comme avant, tout en se réclamant du changement. Dans la population gagnent la résignation, le désespoir, la colère… Un cocktail explosif devant lequel les rustines clientélistes, technocratiques et financières ne tiendront plus longtemps. Les élections régionales peuvent être l’occasion d’une prise de conscience et d’un nouveau départ.., avant qu’il ne soit trop tard. Le personnel politique sera-t-il à la hauteur ? »

Wilfrid Bertile