Clovis Etchiandas, de la « gloire de l’armée » à la gloire de son père (1) HISTOIRE DE LA REUNION

Clovis Etchiandas est une icône réunionnaise dans le tourisme local, sur les sentiers de La Réunion et à Saint-Leu. Il a écrit plusieurs articles sur des membres de sa famille. Une autre façon à lui de faire découvrir de vrais trésors cachés à ses compatriotes. Nous avons repris ses écrits. Nous vous les proposons par épisode. Nous commençons par son père Clovis Lislet Etchiandas.

Clovis Etchiandas : « Mon père, de son vrai nom Etchiandas Clovis Lislet, est né le 10 août 1927 à Grand Fond, Saint-Leu, dans une famille de paysan agriculteur. Il est issu d’une fratrie de six enfants (dont une sœur, Clotilde décédée). Il est à noter que dans ce temps-là, ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler une famille nombreuse (au-delà de dix marmailles). Fait assez rare pour le souligner pour les mœurs de l’époque, mais grand-mère Sophie avait des enfants « en dehors » de plusieurs lits, comme on disait.

Dès son plus jeune âge, mon père travaillait dur dans les champs, afin d’aider ses parents qui s’étaient installés sur la terre du plus gros propriétaire du coin, Monsieur Albion Hoareau, ce dernier après des difficultés financières leur a vendu plusieurs lopins de terres, sur lesquels ils travaillaient (de part et d’autres de l’actuel chemin Etchiandas).

Bien que de conditions très modestes, pour ne pas dire pauvres, les parents de mon père mettaient un point d’honneur pour que leurs enfants partent à l’école, ou au moins sachent lire et écrire. Mon père lui, est souvent parti comme il disait lui-même à « l’école marron » ou « pose la colle », un de ses passe-temps favoris qui consistait à piéger les oiseaux sur la glu. L’instituteur malgache de l’époque l’avait dans le collimateur, aussi il n’a pas usé bien longtemps ses fonds de culotte sur les bancs de l’école. Néanmoins mon père savait lire et signer son nom pour l’époque c’était un luxe.

Je me souviens d’une anecdote qu’il aimait me raconter, comment il est passé de marmaille à l’âge adulte sans passer par la case de l’adolescence. Subissant souvent les brimades de son père car il était un marmaille « ravageur » surtout tête dure. Il s’était mis dans la tête de fuguer et d’aller chercher du travail loin de son environnement familial, et ce du haut de ses 12 ans. De très bon matin sans réveiller personne, il mit quelques « ravages » dans une gamelle attachée dans un morceau de toile, et il partit prendre le petit train longtemps pour Saint-Denis, voire plus loin à Maperine, écart entre Saint-Denis et Sainte-Marie.

Arrivé à destination, il n’a pas eu à attendre longtemps au vu de sa corpulence (mon père était un « cafre » costaud au muscles saillants). Il faisait plus que son âge. Le voilà engagé à couper la canne à sucre et à la décharger à l’usine de la Mare à Sainte-Marie. Il était logé et nourri chez un gramoune, propriétaire des champs de canne à sucre.

Tout se passait bien pendant une semaine, jusqu’au jour où mon grand père paternel décide de le rechercher et fini par le retrouver. Après une bonne raclée, il réintègre le noyau familial mais depuis ce jour-là (en 1941, il sera un des premiers employés d’Etienne Dussac, le directeur de l’époque), il sera traité en adulte car il ira travailler à la grande usine de canne à sucre de son quartier : Stella Matutinal, jusqu’à sa fermeture en 1978. Une grande partie de sa vie sera étroitement liée à la destiné de ce qu’il appelait son « tabisman ».

La plupart de ses travailleurs « tabisman » ont découvert leur usine (au nom d’étoile) souvent très jeune. Ils ont construit leur vie en éprouvant, le plus souvent, la dureté des rapports sociaux. Malgré cette ambiance de rapports de force entre travailleurs et patron, selon les souvenirs des personnes avec qui mon père à travailler, et ce de manière unanime, toutes me rapportaient qu’au cours sa carrière de plus de trente huit ans à l’usine, mon père n’a eu aucun blâme et remarques désagréables, concernant son travail avec les directeurs qui se sont succédé, fait exceptionnel pour l’époque.

Mon père était un de ses communistes irréductibles, comme sa demi-sœur Célia. Cette « religion », il l’avait dans la peau, tellement qu’à la case à l’époque où Grand-mère vivait encore avec nous, Tous deux rejouaient « Pépone et Don Camillo », du fait que Grand-mère était du bord opposé. On ne badine pas avec ça quand on est grande chrétienne et qu’on s’installe sur la terre du gros propriétaire terrien Monsieur Bègue lui-même, ancien maire, c’est la condition sine qua non (surtout ne pas être communiste) à l’époque pour louer ses terres en colonnage »…

A suivre…