Qu’en est-il du racisme à La Réunion ? SOCIÉTÉ

Le racisme est un phénomène structurel à la Réunion. Il faut remonter à l’ordonnance de Jacob De la Haye, dont la plaque devrait être tirée de nos rues, qui déclare le 2 Déc 1674, date de cette ordonnance, dans son article 20 : « Défense aux Français d’épouser des négresses, cela dégouterait les noirs du service, et défense aux noirs d’épouser des blanches, c’est une confusion à éviter ». 

Les lettres patentes (*) de décembre 1723, issues du Code Noir de Colbert 1685, qui lui aussi est un assassin, et appliquées aux Mascareignes le 18 sept 1724 ne fait que légiférer ce racisme institutionnel. Et depuis nous n’avons pas cessé de vivre sous cette double contrainte, à savoir que la relation entre un noir et un blanc est maudite, incomprise, mal tolérée, à la limite défendue.

Jusque dans les années 1980, La Réunion était pliée à cette loi, et les unions qui ont lieu avant cette période ont provoquée bien des drames familiaux, des séparations entre les familles. Pour « sauver la race », il fallait absolument se marier avec un plus clair que soi, c’est la stratégie du blanchiment qui a fonctionné durablement et qui a valorisé le métissage comme signe d’esthétique et de promotion sociale.

Maintenant, on commence à ouvrir les yeux sur cette ineptie et on commence à se dire que tout cela ce n’est pas normal et encore moins moral.

Le privilège blanc a détruit beaucoup de familles et empêché beaucoup d’amours. Depuis sa création, l’association Rasine Kaf dénonce la cafrité sociale qui est une forme de racisme, qui laisse les Kaf au dernier rang de la société, aux marges de la réussite sociale, voire même du côté de la délinquance, à voir le nombre de Kaf qui se trouvent en prison, en référence à l’étude de Laurent Médéa sur la délinquance juvénile (janvier 2011).

On peut faire donc là le parallèle à partir de ces trois éléments à savoir que Kaf = esclavage = racisme.

Tant que le KAF à la Réunion se trouve dans ce schème de pensée, on sera dans une configuration raciste de la société. Et c’est justement cela qu’il faut combattre.

Pour ce faire, plusieurs pistes : Restituer le KAF dans son humanité, dans son origine en l’occurrence l’Afrique, Madagascar, les Comores à l’époque de l’esclavage et de l’engagisme. Revaloriser ses apports, sa culture, sa civilisation, son patrimoine et tout ce qu’il a amené en termes d’héritage culturel, symbolique, spirituel, économique.

Le maloya, la musique traditionnelle, le moringue, les rituels, le culte aux ancêtres mais aussi la chrétienté, la culture et l’agriculture, les noirs de pioche sont tous bel et bien des agriculteurs qui ont produit la richesse du pays, notamment du café et de la canne.

Et bien évidement son apport au peuplement de la Réunion dans lequel il a mis toutes ses gênes. Donc penser le racisme revient tout simplement à penser l’esclavage et ses séquelles aujourd’hui et mettre en œuvre les termes de la réparation et se poser la question de comment sortir mentalement, économiquement, institutionnellement des schémas de gouvernance hérités du système esclavagiste.

Il faut sans cesse remettre le métier à l’ouvrage.

Ghislaine Mithra-Bessière
président de l’Association Rasine Kaf
 
(*) Sous Louis XV sont publiées en forme d’édit, « concernant les esclaves nègres des îles de France et de Bourbon »