GBH nous fait son zouk COURRIER DU LECTEUR

C’est l’histoire d’un groupe antillais qui, après s’être assuré une situation importante, historique même, sur ses territoires caribéens, se voit partir à la conquête d’autres mondes. Sur la carte de ses « cibles », La Réunion apparait comme une destination privilégiée.

Normal, nous partageons une appartenance à la nation française, nous avons en commun d’être des ultra-marins et une appétence pour une certaine société de consommation.

Nôtre île lui ouvre les bras, lui offre un accueil chaleureux, lui permet de prendre sa place, et ensuite d’enfoncer la porte entrebâillée pour disséminer et implanter quelques autres représentants de sa grande galaxie. Au point d’arriver à se fondre dans le paysage local, d’en devenir une composante sociétale, et même d’emporter l’adhésion du public réunionnais.

Oh, bien sûr, à l’origine, quelques voix se sont élevées, pour évoquer une invasion, une déculturation, une perte de notre identité, un affaiblissement de notre influence, mais aussi notre incapacité à résister à cette force extraterritoriale. Au fil du temps, elles ont été ravalées au niveau du chuchotement. Puis carrément mises à la marge…

Je vous parle là du groupe Kassav et du zouk… 

Vous souvenez vous de cette déferlante ? Après Kassav, ce sont des vagues successives de chanteur-se-s des Antilles (les Thierry Cham, Harry Diboula, Eddy Miath, Eric Virgal, Jocelyne Labylle, Tanya Saint-Val, Ralph Thamar, Klod Fostin, Jane Fostin, Edith Lefel, Joelle Ursull, N’Jie, Luc Leandry, Darius Denon, Zouk Machine, Orlane, et j’en oublie !) qui viennent emporter le public réunionnais, mobiliser les ondes, s’assurer une situation de quasi-monopole sur les soirées festives.

Le soleil des Antilles a relégué dans l’ombre celui de La Réunion dans les médias et les programmations des scènes et des boîtes de nuit. Le processus, progressif et subtil, mais parfaitement huilé, a bousculé les conventions et les références, au point – crucial ! – que pour leurs reportages et films sur La Réunion, les journalistes de métropole croyaient bien faire en prenant pour illustration sonore du zouk !

Les artistes réunionnais eux-mêmes, et également certains mauriciens, se sont dépêchés de prendre la vague en adoptant cette musique devenue prédominante avant un semblant de rééquilibrage avec certaines compositions locales, certes, mais gardant toujours une atmosphère rythmique antillaise.

Au fil des années, qu’un artiste réunionnais fasse l’essentiel de ses succès avec des sons épicés piment bondamanjak plutôt que piment cabri, ne dérange plus personne… On continue d’applaudir.

Alors, assimilation ou intégration ?

Quant à Sa Majesté Kassav, il revient régulièrement à La Réunion, avec toujours le même succès, pour faire se souvenir aux foules qui est le maître (et le créateur) du zouk. Son dernier passage ici, l’année dernière, l’avait été dans le cadre de son 40ème anniversaire, après une soirée folle à l’Arena Paris La Défense.

Comme pour rappeler que, selon nombre d’observateurs attentifs de l’époque, la réussite internationale, et réunionnaise du zouk est d’abord passée par les réseaux parisiens des artistes antillais, leur force, leur solidarité, leur capacité relationnelle, et de mobilisation. Nous avons effectivement vu le résultat !

Cette histoire musicale récente, mais pas trop – c’était il y a moins d’un demi-siècle, mais c’était quand même au siècle passé ! – est-elle transposable à l’actualité économique du moment ? Saura-t-on éviter le bégaiement de l’histoire ou alors celle-ci est-elle condamnée à se répéter ?

À suivre…

Jerry Ayan