Le maloya en gestation vers 1861 ? CULTURE

On lit souvent çà et là que le maloya est une musique du « fénoir » joué en cachette voire interdit. Une opinion générale à réexaminer ? En 1861, la musique et les danses des engagés d’origines différentes africains, malgaches, s’offrent au visiteur.

Cette description de Simonin, bien que nuancée de propos condescendants, typiques de l’époque, laisse à penser que les afro-malgaches peuvent danser librement avec l’accord tacite ..de la police !


La scène fait l’objet d’une illustration par Roussin à la même période. Elle se passe au Barachois et rencontre un certain succès : « Continuant à suivre le rivage, je passai dans les batteries et débouchai sur une nouvelle promenade, plantée de magnifique filaos.


C’est là que les Noirs, le dimanche, se livrent à leur danse échevelée au son du bobre, du Cayambe, et du tam-tam.


Ces instruments primitifs, aussi simples à manier que faciles à établir, égayent l’enfant de l’Afrique qui, excité par leur bruit, se permet les contorsions les plus licencieuses avec le tacite assentiment de l’agent de police, témoin de tous ces ébats.


J’ai vu ainsi sur la place Candide, à l’ombre des filaos séculaires, non loin des vagues, qui venaient mourir sur la grève, nègres de Zanzibar à la taille élancée, au type caucasien, à la figure sillonnée de tatouages, malgaches à la chevelure tressée, à la peau bistrée, Mozambiques au nez plissé en grain de maïs, et noirs du Cap, se livrer séparément à leur danse nationale.
Les groupes étaient peu nombreux, et tous les danseurs se tortillaient comme autant de diables.


Les uns portaient des plumes dans les cheveux, les autres des grelots autour des jambes et des reins. Beaucoup accompagnaient de cris étranges le bruit discordant de la musique, mais tout le monde était content, et les balancés et chassés-croisés de cet infernal quadrille africain qu’on appelle le Séga se succédaient sans cesse ni trêve.


Quelques soldats de la garnison, quelques mulâtres, véritables gentlemen qui refusaient de danser, et de nombreuses bonnes d’enfants composaient la foule des curieux. Je m’étais glissé parmi les spectateurs, et je regardais tout à mon aise ce bal si nouveau pour moi.


La partie bien-pensante des créoles est absente de ces jeux, soit qu’ils n’y trouvent rien de bien intéressant, soit plutôt parce qu’on néglige à la Réunion toute espèce d’étude des mœurs ».


Céline Ramsamy-Giancone


images iconothèque, « Le séga » A.Roussin et « Danse des noirs au son du bobre et des cascavelles » 1861 Mortier de Trévise, « groupe de cafres » à Beaufonds, instruments de maloya source internet