Radio Poc-Poc, le fruit d’une grande passion et d’une volonté d’expression CULTURE

Il me semble important de partager les fragments de notre histoire. Quelquefois, je remarque des références à certains éléments du passé et il est très difficile d’accéder à toutes les informations . Je n’ai rien trouvé sur internet à propos de Radio Poc-Poc. Alors, je vous raconte ce que je sais, ce qu’on m’a dit et comment je l’ai interprété. Ainsi, j’apporte ma pierre à l’édifice.

L’origine du projet

Radio Poc-Poc est née au détour de certains points de désaccords parmi les communistes de St-Benoît. C‘est à la fin des années 70 qu’une poignée de jeunes originaires de l’Est ont eu besoin de s’exprimer librement afin de partager leurs points de vue mais aussi de laisser s’exprimer les autres points de vue.

D’ailleurs le choix de ce nom n’est pas du au hasard. Le Poc-Poc est une plante autrefois utilisée pour soigner les désordres mentaux. Il leur semblait nécessaire d’apporter un maximum d’informations sur les différents enjeux politiques, et la vie associative locale en créant une radio libre.

Une porte vers la liberté d’expression. Un média où on pouvait entendre une argumentation différente que celle apportée par les médias officiels. Un argument qui raisonne étonnamment aujourd’hui encore en 2020. Ainsi cette radio amateur prétendait contribuer à l’élévation de la conscience politique de ses auditeurs.

C’est à la faveur de l’ouverture des ondes radios au grand publique, avec la fin du monopole d’État que Radio Poc-Poc reçut officiellement le droit d’émettre sous la forme d’une association loi 1901. Les locaux étaient à la Rivière des Roches, St-Benoit.

Des personnes et des personnages.

Les personnes présentent dans les rangs de Radio Poc-Poc sont plutôt discrètes, mais gagnent à être connues.

Les plus célèbres d’entre eux sont sans doute : Daniel Honoré, un grand acteur de la culture réunionnaise, ainsi qu’André Marimoutou, une figure importante de la vie politique et de l’éducation à la Réunion, aujourd’hui disparus, tout deux membres de cette association. Ils faisaient parti du cercle relationnel que constituait Radio Poc-Poc. Les fondateurs étaient José Nourry, Michel Reale et Jean-Max Nelson.

II y avait aussi Osman Mogalia, Christian Mauve, Janine Soucramanien, Louis-Marc Soucramanien, Daniel Covindin et Jacky Covindin,  Hugues Virelizier, Toussaint Brema  et tellement d’autres intervenants ou animateurs. Ils étaient cités sur des documents auxquels j’ai eu accès, mais malheureusement pas toujours.

Tous ont eu en commun à ce moment de leurs vies, l’envie de faire quelque chose pour La Réunion. Je suis persuadée qu’ici ou là à La Réunion, dans votre ville ou dans votre quartier, il y a des noms cités ici, qui ne vous sont pas inconnus. Car, ce qui fait la différence entre une personne lambda et un personnage, c’est que l’esprit des gens, est marqué par les actes posés. Et ces personnes-là ont eu le courage de passer à l’action, pour concrétiser un projet. Nous pouvons les remercier pour leur contribution dans l’Histoire de la Réunion.

Des idées et des idéaux

L’idée de base étant de créer une plateforme d’expression populaire et d’information. Ça n’aurait pas été crédible de fermer la porte aux personnes avec qui on serait en désaccord. Il y avait des choses présentées sous un angle différent de ce qu’on entendait habituellement. C’est pour cela qu’on pouvait entendre des émissions très éclectiques.

Par exemple des intervenants d’associations religieuses, culturelles, de la politique ou de la musique. Il était impensable pour les fondateurs de rester entre eux. D’ailleurs leur « logo » est une antenne située dans les champs de canne à sucre qui émet en direction de tours d’habitations de centre-ville.

Il fallait faire preuve d’ouverture pour atteindre le maximum de monde possible. Bien entendu, les idéaux communistes avaient la part belle. Mais, il faut remettre les choses dans le contexte de l’époque. Les communistes étaient mal vus. La télévision d’Ztat les boudait. Le maloya fortement lié au parti communiste, était encore une musique « clandestine ». Sur Radio Poc-Poc, on pouvait découvrir des idées nouvelles, des choses différentes, la culture populaire, et les initiatives de personnes qui auraient pu se croire seules, jusque-là.

Le nerf de la guerre.

Il existe évidemment une question essentielle à laquelle personne ne peut échapper. C’est celle de l’argent. L’association Radio Poc-Poc ne dérogeait pas à la règle. Et ce fut difficile. Elle organisait des évènements comme des bals ou des pique-niques pour gagner de l’argent.

L’association vendait ses cartes de membre à 50 francs pour être un membre Bienfaiteur et 100 francs et plus pour être un membre d’honneur. Malheureusement, les fonds faisaient défaut. Les membres fondateurs se sont retrouvés à devoir utiliser leurs propres deniers pour faire tourner la boutique.

Et c’est aussi la période où les membres devenaient parents, responsables de la subsistance de leurs familles. Il est probable que cela ait influencé leur décision d’arrêter là. De plus, la position géographique posait problème.

En effet, Beauvallon; Rivère des Roches, où se situaient les locaux, est une sorte d’enclave que les ondes avaient du mal à dépasser les reliefs. Sans argent et face aux difficultés techniques, l’association n’a pas survécu. Les derniers documents officiels de Radio Poc-Poc que j’ai retrouvé datent de 1984.

Stéphanie Lacouture