Clovis Etchiandas a connu « Don Camillo et Peptone » (2) HISTOIRE DE LA REUNION

Voici la deuxième partie des écrits de Clovis Etchiandas, guide touristique. Nous continuons à vous livrer le récit de la vie de son père. A la fin de la première partie, nous étions au moment où la politique était un sujet de tenions dans la famille. Le père, Clovis Lislet et la grand-mère rejouent Peppone et Don Camillo.

A propos de Don Camillo, papa anticlérical qu’il était (bien qu’il faisait sa prière et le signe de la croix tous les matins avant de travailler), avait quand même un ami curé, mais pas n’importe lequel « le Don Camillo péi » en personne : le père Payet, celui la même qui a écrit « ce diable de prêtre », avec qui il s’apostrophait mutuellement, à grand coup de camarade par-ci et par-là.

Papa qui ne parlait pas un mot de français mais quand il avait bu son deux-trois « pti coup d’sec », positionnant sa main sur son cœur et prenant un air tragique, il entonnait religieusement L’International dans la langue de Molière.

Il n’y avait pas que les curés que papa n’aimait pas fréquenter. C’était de même pour les docteurs pour qui il tenait ses propos acides : « Docteur l’eau sucrée, mwin la pas besoin, mon médicament c’est : un lève tête le matin, un autre l’après-midi pou ouvre l’appétit et autre le soir pou tire la poussière sur l’estomac ». Cela se passe de commentaire.

Papa adorait « l’amusement ». Il déployait toute de sorte de stratégies pour se rendre à un « bal la poussière ». Ah ça pour mettre l’ambiance, il n’était pas le dernier. Inconsciemment cette posture contrebalançait sa vie de labeur et d’ouvrier d’usine de canne à sucre, ou le fait de ne pas voir souvent sourire, sa femme.

En tout état de cause, quand il commençait à danser, il ne s’arrêtait qu’au petit matin « bardzour ». Rituellement, en bon gentleman, les premières danses il les réservait à maman. Mais très vite, maman se fatiguait et alors s’ouvrait pour lui une voie royale. Il pouvait inviter toutes les autres femmes à danser.

A sa décharge, c’était plutôt ses nièces, filles et sœurs qu’il faisait tournoyer sur la piste. Mais, de temps en temps, se glissai(en)t parmi elles, une ou deux « étrangères » au clan, observées par maman d’un œil suspect mais discret.

Une autre petite anecdote le concernant, quand il s’agit d’élaborer un plan pour aller danser. Un dimanche grand matin, le voilà arrivé à pas de loup dans notre petite case bois sous tôle de Grand Fond Saint-Leu, à peine qu’il commença à se déshabiller de son linge la « messe » pour entrer dans son lit car il sortait « d’un bal la poussière » qu’aussitôt maman se réveilla en sursaut.

Elle lui demanda tout encore ensommeillée, ce qu’il était en train de faire et papa répondit tout naturellement du monde qu’il était en train de préparer son linge pour se rendre à la grande messe (ce qui était suspect de sa part). L’histoire ne nous dit pas si maman l’a cru ne serait-ce un instant de son demi-réveil comateux.

Il y a un dicton qui revenait le plus souvent dans la bouche de mon père, quand je lui demandais comment il a séduit ma mère. Ce dicton résume bien le fin stratège qu’il était en la matière. Ce dicton était « chatte marron y mange lo ki bon chatte » ce n’est pas vraiment « traduisible », mais de façon très soft cela voulait dire « à malin, malin et demi ».

Car, mon père n’avait pas vraiment tous les atouts pour séduire ma mère, très belle métisse à l’époque. Son arme redoutable a été son assiduité dans son entreprise de séduction (méthode que j’ai appliqué moi-même afin de séduire ma femme). A peine sorti de son quart de travail, il allait rendre visite à ma mère à pied et par des itinéraires peu recommandables, à travers des sentiers à pics, et surtout le franchissement de la fameuse ravine du Cap, en partant de Sella vers Grand Fond Les Hauts ( quartier de Saint-Leu).

Il m’a fait passer par là une fois. J’avais à peu près dix ans. Je me souviens de mettre fortement agrippé à des touffes de chocas qui faisaient office de cordes naturelles. Mais où il a fait très fort et marqué les esprits surtout ceux de grand-mère, c’était le jour il à rejoint le domicile de ma mère toujours par le même itinéraire avec un sommier et un matelas sur la tête afin de s’installer chez grand-mère.

L’histoire ne nous dit pas le sort que grand-mère lui a réservé.

La version de maman c’est que papa les a eu à l’usure. Et dans la tête d’une jeune fille de son époque (1953), mon père qui était plus âgé de huit ans son aînée et gros travailleur représentait la sécurité. D’autant plus que grand-mère avait déjà un certain âge, plus de soixante ans, et bien que ma mère était une très belle jeune fille à l’époque, elle n’a pas pris le risque de se retrouver seule, en attendant le prince charmant. La raison l’a emporté.

Certes, cela n’a rien d’un comte de fée et d’un mariage d’amour. Mais ce qui force le respect, c’est que mes parents s’engueulaient souvent pour le folklore, mais avait durant toute leur vie énormément du mal à se séparer.

D’ailleurs peu de temps après la mort de mère, mon père qui n’était jamais malade à contracter un cancer et s’était laissé éteint à petit feu afin de rejoindre sa femme. Je suis persuadé que s’il avait eu encore sa moitié, avec le caractère qu’il avait, il serait encore de ce monde car mon père était quelqu’un qu’on pouvait appeler un optimiste béat.

Quelques mois après son mariage mon père fut appelé sous les drapeaux afin d’intégrer en métropole un corps d’armée colonial (le voyage se faisait en bateau) pour la guerre d’Algérie en 1958. Comme ma sœur aînée était déjà née (en 1956) il a refusé d’y allé et est parti « marron » dans les ravines avoisinantes qu’il connaissait parfaitement bien pour les avoir pratiqué dans sa prime jeunesse.

La maréchaussée s’était régulièrement la nuit rendu à son domicile, afin de l’emmener avec force. Mais, elle n’y trouvait personne et fini par abandonner. Il retrouvait pour le bonheur de ma mère, le berceau familial. Mais plus tard, le remord de ne pas avoir répondu présent comme ses camarades, le rongeait. Aussi afin d’être de nouveau prêt pour la guerre, il s’entraînait à faire les mouvements militaires tous les soirs. Ce qui agaçait les voisins qui l’ont surnommé depuis ce jour, L’Armée.

Pour l’histoire, il n’a pas inquiété en tant que déserteur, dans la suite de sa vie civile.

A suivre…