Olivier Hoarau appelle les Réunionnais à plusieurs formes de « résistance » SOCIÉTÉ

Olivier Hoarau, maire du Port, a rendu un vibrant hommage aux Réunionnais qui se sont inscrits dans la démarche du général de Gaulle et son appel à résister du 18 juin 1940. Nous vous proposons l’intégralité de son discours.

« Mesdames, Messieurs, le 16 juin 1940, les forces armées de la France subissent une cuisante défaite face à celles de la puissance nazie.

Devant l’irréparable, Paul Reynaud, président du Conseil, démissionne !

Il est remplacé par le Maréchal Pétain qui implore l’armistice.

Le lendemain, le 17 juin, Charles Tillon, militant, fervent syndicaliste et membre du bureau politique du parti communiste français, prend la décision de diffuser un tract.

Il déclare notamment :

«  les gouvernements bourgeois ont livré à Hitler et à Mussolini :

L’Espagne, L’Autriche, l’Albanie et la Tchécoslovaquie… et maintenant, ils livrent la France.

Ils ont tout trahi.

Mais le peuple Français ne veut pas de la misère, ni de l’esclavage du fascisme.

Il est le nombre : Uni, il sera la Force !

Chassons à la fois les capitalistes, leur tourbe de valets, de traitres, et les envahisseurs.

Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans, et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez vous dans l’action ! ».

En un mot, il appelait les Français à RÉSISTER.

Le lendemain, le 18 juin, Charles De Gaulle, depuis Londres et à la radio, lance, lui aussi à son tour, un appel aux Français.

Moi, Général De Gaulle, actuellement à Londres,

J’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes,

J’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver,

De se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. »

Dans cette déclaration le Général de Gaulle faisait part également de sa vision mondiale de la situation et de l’avenir de ce conflit. Il y préfigurait la mise en œuvre des forces alliées et des conditions tant matérielles que politiques de la victoire à venir.

L’Histoire retiendra davantage son appel plutôt que celui de Charles Tillon.

Mais, tous deux en viennent à la même conclusion, celle de la nécessité de RÉSISTER.

Nous rendons hommage, aujourd’hui, à ces grands Hommes et à leurs actes courageux. Ils ont garanti au peuple français les conditions du renouement avec la liberté. Ils ont construit une ère nouvelle pour le Monde.

La Réunion n’a certes pas souffert de la barbarie nazie. Elle a également été épargnée des affres de l’exode. Pourtant, la population de notre île a vu ses conditions d’existence se dégrader significativement pendant cette deuxième guerre mondiale.

La malnutrition, le manque d’eau potable, l’extrême précarité de l’habitat, l’impossibilité de disposer de produits pharmaceutiques les plus courants et la faiblesse de l’offre de soin, ont été responsables d’un taux effrayant de mortalité infantile.

C’est pourquoi, ici à La Réunion, nous devons saluer également l’acte de bravoure d’un des nôtres, Léon de Lépervanche.

C’est le sens de notre présence au pied de cette stèle que la Ville a érigée en son honneur.

Le 28 novembre 1942, malgré un climat de peur, il ne fait plus de doute que le régime de Vichy vit ses derniers jours en terre réunionnaise.

L’heure de la libération a sonné !

Au Port, un comité de Salut Public, conduit par Léon de Lépervanche, rédige une proclamation dont voici un extrait :

« Citoyens du Port, notre tour est venu de lever la tête et de proclamer bien haut notre volonté de nous ranger aux côtés de nos alliés d’hier. La Réunion est fière de prendre sa place dans le combat, Vive la France combattante ! »

Vers 18h30, la voie est libre pour que Le Léopard puisse venir jeter l’ancre à proximité du chenal du port Ouest.

Léon de Lépervanche se rend immédiatement à bord, où il s’entretient avec le Commandant Évenou. Il revient accompagné de soldats s’empressant de fouler le sol de notre cité.

Au soir de ce 28 novembre, la libération du Port entraîne le ralliement à la force combattante du Général De Gaulle.

Les Portoises et les Portois venaient d’écrire une des plus belles pages de l’histoire de la résistance de La Réunion !

Il est donc de notre devoir de Réunionnais de rendre hommage, aujourd’hui, à Léon de Lépervanche.

Il avait, lui aussi, fait un appel à la résistance et au refus de la domination des forces nazies, ou tout du moins à celles de leurs collaborateurs.

Nous ne pouvons que nous enorgueillir de cette bravoure, de cette vaillance et de ce panache.

L’Histoire nous donne à voir ! Elle nous donne à comprendre et elle nous donne à porter des messages auprès des générations à venir.

C’est pourquoi nous avons souhaité la présence des enfants de CM2 de l’école Raymond Mondon et ceux du conseil municipal des enfants à cette cérémonie.

Nous avons à leur transmettre un message inter générationnel ;

Nous sommes des témoins, des passerelles du temps, des vagues d’un vent nouveau qui porte la vérité d’une autre résistance.

Et en leur présence, dans la solennité de cette commémoration, je veux être la parole du peuple Portois auprès de nos concitoyens réunionnais.

Oui, j’appelle, je vous appelle tous, à résister !
Et que notre résistance soit celle de la modernité ; celle qui affirme que nous sommes garants de notre temps, Réunionnais à jamais.

En ce sens, je vous appelle à affirmer nos choix :
– Résister aux combats armés pour défendre le dialogue pacifique ;
– Résister aux combats dogmatiques pour défendre l’esprit de la critique sociale ;
– Résister aux joutes physiques pour défendre les débats d’opinions ;
– Résister aux guerres de religions pour défendre le partage intelligent de l’espace républicain ;
– Résister à l’obscurantisme pour défendre l’accès au savoir pour tous ;
– Résister au repli sur soi pour défendre l’enrichissement mutuel ;
– Résister à l’avilissement pour défendre l’épanouissement des individus ;
– Résister à l’appauvrissement de l’Humanité pour défendre son indépendance matérielle et intellectuelle ;
– Résister à la grande consommation pour défendre nos besoins essentiels ;
– Résister à l’assimilation des peuples pour défendre leur droit à disposer d’eux-mêmes ;
– Résister à l’asservissement des Réunionnais pour défendre leur droit à traiter d’égal à égal avec quiconque ;

Elle est là notre résistance !

Celle d’accepter notre condition humaine, sans avoir à nous y soumettre.

Celle de refuser les maux de notre société, sans pour autant en faire notre révolte.

Nous sommes des citoyens modernes, et dès lors que nous décidons de vivre avec notre temps, nous avons le pouvoir de dire non !

Il en était ainsi pour Charles Tillon, Charles De Gaulle et Léon de Lépervanche.

Allons, amis, camarades, mes très chers concitoyens, il nous faut résister, résister encore et résister toujours.

Vive la résistance, Vive Le Port, Vive La Réunion et Vive la République ».