La Réunion n’est pas à vendre : changeons de modèle ! COURRIER DU LECTEUR

Non aux lobbys et aux monopoles ! Le rachat de Vindémia par le Groupe Bernard Hayot (GBH), la plus grosse opération de concentration de l’histoire des Outre-mer, qui vient d’être autorisé par l’Autorité de la Concurrence française est une nouvelle menace pour l’île de La Réunion dans le domaine de l’agro- alimentaire et, plus généralement, sur l’économie, l’Emploi, la Santé, l’Autonomie et le pouvoir de vivre dignement et durablement des Réunionnaises et Réunionnais.

Déjà en position dominante sur plusieurs secteurs économiques – GBH possède actuellement 50 % des parts de marché dans l’automobile, 80 % dans les camions et 45 % dans les produits laitiers – l’économie réunionnaise est, à travers ce rachat à 219 M€ validé par le gouvernement de M. Macron, encore plus dépendante.

C’est d’ailleurs aussi le cas en Guadeloupe et en Martinique où le « béké » – descendant de colon esclavagiste – Bernard Hayot a construit sa fortune.

C’est également une menace sérieuse pour les petits producteurs et commerces de proximité, à terme sous emprise d’un acteur prédominant qui dictera sa loi comme bon lui semble, comme c’est déjà le cas aux Antilles. C’est aussi un risque pour l’emploi et les prix, donc pour le pouvoir de vivre dignement des Réunionnais-es à terme, selon le rapport de l’OPMR (Observatoire des prix de La Réunion).

Croyez-vous que les bénéfices énormes engrangés par GBH grâce à ce rachat seront totalement réinvestis à La Réunion pour les Réunionnaises et Réunionnais ? Bien sûr que non : des millions d’euros donnés par les Réunionnais-es chaque année partiront dans d’autres opérations juteuses du géant antillais de la distribution et de l’automobile.

GBH est aidé dans son objectif de prédation de l’économie réunionnaise par l’État français, un état post-colonial qui fait fi non seulement de l’avis des citoyens, des élus de tout bord, de l’observatoire des prix (OPMR), du Conseil économique et social (CESER), des acteurs économiques locaux…. mais aussi de l’avenir durable de notre île et de son autonomie au nom d’un capitalisme néolibéral conduit par une logique marchande.

Tu accueilleras bien mon ami Bernard » avait déjà dit Le Président de l’époque à un ténor de la politique locale sudiste il y a quelques années !!! Le 1er décembre 2019, le magazine ‘Eco austral’ écrivait suite au survol de l’Océan Indien par Emmanuel Macron « Il est fort probable que le rachat de Vindemia par le groupe Bernard Hayot soit validé par l’Autorité de la concurrence début 2020. Pourquoi ? D’abord parce que Jean-Charles Naouri, le patron du groupe Casino, a besoin d’argent, qu’il est pressé et qu’il souhaite vendre l’ensemble d’un coup, c’est-à-dire La Réunion, Madagascar, Maurice et Mayotte ».

« L’enseigne Carrefour devrait donc faire assez vite son apparition dans ces îles. On imagine mal Emmanuel Macron faire des misères à Jean-Charles Naouri. D’autant que le Groupe Bernard Hayot est une entreprise française, qu’elle tient la route et met 219 millions d’euros sur la table. Apparemment, seul un fonds de pension était en compétition pour racheter l’ensemble. […] Conclusion, l’affaire est emballée ! Les naïfs qui invoquent l’indépendance de l’Autorité de la concurrence n’ont qu’à lire notre article sur la perquisition chez Air Austral. »

Que voulons-nous ? Plus d’hypermarchés, plus de supermarchés, plus de grandes surfaces toujours plus grands, plus gros, plus nombreux avec toujours plus de produits importés parfois à bas coût et de mauvaise qualité (produits dits de dégagement) ? Ou veut-on changer de modèle et privilégier les petits producteurs responsables et les commerces de proximité, les circuits courts de distribution qui ont fait leur preuve pendant la crise sanitaire ?

Ce changement de modèle nécessite que nous changions également de façon de penser : ne pensons plus ‘court-terme’ mais voyons plus loin : demain et après-demain, qu’allons-nous laisser à nos enfants ? Un monde où les plus pauvres seront plus malades et obligés d’acheter en grande surface des produits de faible qualité nutritive, biologique ou sanitaire ?

Sommes-nous prêts à passer de l’hyper-consommation à la « consom’action » qui privilégie une alimentation saine et de qualité et peut nous apporter des emplois par milliers, avec plus de producteurs ‘péi’ rémunérés au prix juste et une agriculture écologique, respectueuse de la terre nourricière ?

Sommes-nous prêts à manger moins de viande, moins gras, moins sucré, à boire moins d’alcool ? À revenir à l’essentiel : le partage, la solidarité, la coopération et sortir de cette logique du tout-marchand ? Par exemple, avons-nous réellement besoin d’un frigidaire ou d’un grille-pain connectés à Internet via les nouveaux réseaux de télécommunication ‘5G’ que l’on veut nous imposer, en dépit du principe de précaution sanitaire et environnemental ?

C’est pourquoi le Rassemblement des Ecologistes Réunionnais [RER] et Génération Ecologie Réunion [GER] demandent aux décideurs locaux et nationaux de :
– réexaminer précisément les impacts économiques, environnementaux et sociaux de ce rachat à court, moyen mais aussi long terme ; – faire appliquer les préconisations de l’OPMR ; – construire et mettre en œuvre un « Green New Deal » réunionnais avec des investissements massifs dans l’économie verte et la transition écologique ; – soutenir les circuits courts et la production locale en mettant dans chaque commune au moins un point-relais pour la vente de produits locaux, BIO ou naturels/sans pesticides, à un coût raisonnable puisque les intermédiaires comme la Grande Distribution sont évités et, par là-même, retrouver une souveraineté alimentaire ; – introduire plus de contrôle démocratique sur les décisions pouvant conduire à des situations de monopole aggravant la dépendance et les impacts environnementaux, climatiques, socio- économiques et sanitaires ; – engager un plan de relocalisation des activités essentielles (santé, agro-alimentation, énergie notamment) à La Réunion ; – réduire puis supprimer le financement des industries polluantes (grands groupes du pétrole, de la canne au glyphosate, de la grande distribution de produits majoritairement importés…) et les réaffecter à la transition écologique et énergétique.

Le RER et GER appellent également l’ensemble de nos concitoyens à se mobiliser pour :


  • porter l’affaire du rachat de Vindemia par le groupe financier GBH en justice afin de l’annuler ;
  • pousser les décideurs à écouter les aspirations de la population vers une planification écologique qui refonde les services publics (éducation, santé, traitement des déchets, transports, énergie…) et relocalise les industries et plus généralement l’économie réunionnaise dans un modèle 100% durable et résilient ;
  • être acteur de sa consommation, en privilégiant la qualité (locale) à la quantité (importée) ;
  • refuser l’économie des marchés financiers pour privilégier l’économie réelle et favoriser une agriculture locale, auto-suffisante, responsable et saine ;
  • changer de modèle vers la préservation et le développement des petits producteurs et commerces de proximité durables, associés à des circuits courts de distribution, dans chaque commune, chaque quartier.

Nathalie CAFIMBO, Richard RIANI, Thierry MARCHAL, Yvette DUCHEMANN Porte-paroles du RER – www.noutoutekolo.re
Christelle LALLEMAND & Laurent BRIDIER co-délégués départementaux Génération Ecologie – generationecologie.fr